Une grande dame : L’histoire de Suzanne et de sa mère

Une grande dame : L’histoire de Suzanne et de sa mère


meredesuzanne Une très grande dame.  L’amour personnifié.  Souriante, toute pleine de douceur et de tendresse.  Toujours prête à consoler, aider, écouter.

Vraiment une très grande dame.

Cette grande dame, c’est maman.  Et c’est ce qu’elle a été jusqu’à la fin, malgré la maladie, la souffrance et en dépit de son incapacité mentale.  Comme je l’aime. Elle a été ma mère, mon éducatrice, mon amie, ma confidente, ma sœur, et finalement, ma fille.

Les dernières années de sa maladie, nous les avons vécues ensemble.  J’ai été sa mémoire et aussi, dans le contexte particulier de sa démence, son mentor.  Ses derniers mois, j’ai partagé sa souffrance, ses humeurs, et ses trop courts moments de joie.  Ses humiliations quotidiennes en raison de sa déficience physique, je les ai toujours amoindries en y mettant un peu d’humour et surtout, beaucoup d’amour.  Et finalement, je l’ai accompagnée dans son parcours vers l’au-delà jusqu’à la porte ou je l’ai laissée après une trop brève caresse.

Lorsque je reçus la confirmation que maman souffrait de démence de type Alzheimer, je lui ai fais la promesse qu’elle n’irait jamais en institution.  Je la garderais avec moi jusqu’à la fin, malgré les avis contraires de ma famille et du personnel médical.  Cette mère que je vénérais souffrirait le moins possible et je veillerais à ce que ses volontés soient respectées :  pas question de prolonger sa vie inutilement à l’aide de tubes ou par réanimation.  Elle voulait aussi que son corps soit remis à un centre universitaire pour la recherche, ce que j’ai fait.

Nous avons vécu quelques bonnes années et j’en ai profité pour la gâter.  La vue de son émerveillement devant tous ces spectacles merveilleux auxquels nous avons assistés et toutes ces excursions que nous avons faites, ce fut un baume sur mon coeur.

Puis, tranquillement d’abord puis de plus en plus rapidement, la maladie a diminué ses capacités et ce fut la longue descente aux enfers.  Les derniers mois furent incroyablement pénibles.  J’ai été tellement malheureuse de la voir ainsi, incapable d’accomplir les gestes les plus simples de la vie. Heureusement, j’ai bénéfié des services à domicile du personnel extraordinaire de mon CLSC.  Par contre, ne voulant pas la laisser, ne fusse qu’une heure,  je n’ai pas voulu de service de répit.

Quand elle est partie durant cette nuit fatifique, mon univers s’est écroulé. Aujourd’hui, j’essaie de traverser mon deuil avec sérénité, ce qui n’est pas facile.  Je lui suis tant reconnaissante de m’avoir fait le cadeau ultime :  me permettre de lui remettre ne serait-ce qu’une infime partie de tout ce qu’elle m’a donné.  Et me permettre, devant son courage, d’avoir trouvé en moi la force de tenir la promesse que je lui avais faite des années auparavant.  Je m’efforce de trouver la paix en sachant que ses souffrances sont finies. Mais voilà, elle a quitté cette vie avec un morceau de mon coeur accroché au sien.

Oui, c’était une très grande dame.

 

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