« Faites ce qui s’impose. » Remettre en cause la stigmatisation et les stéréotypes associés aux maladies cognitives.

« Faites ce qui s’impose. » Remettre en cause la stigmatisation et les stéréotypes associés aux maladies cognitives.

Irene Fantopoulos habite à Toronto (Ont.) En plus de travailler pour la fonction publique ontarienne, elle s’occupe aussi de sa mère, Mary. Après avoir pris connaissance de #jevisaveclalzheimer.ca, elle a voulu décrire ses expériences face à la stigmatisation que subissent les personnes atteintes d’une maladie cognitive et les aidants.

Par Irene Fantopoulos


J’ai récemment écrit un article pour la fonction publique de l’Ontario au sujet de ma mère, Mary. Elle a reçu un diagnostic mixte de maladie cérébro-vasculaire et de maladie d’Alzheimer. Sa maladie est exacerbée par les effets de « mini-AVC » provoqués par un traumatisme crânien survenu après un accident de voiture, il y a 8 ans.

Je mentionne ma mère par son prénom, car il fait partie de son identité. Elle s’appelle Mary et ça sera toujours ainsi. Ce n’est pas une « patiente ». Elle n’est pas « folle ». C’est une personne qui a des désirs et des besoins, comme le reste d’entre nous.

La réponse reçue après la parution de mon article était incroyable et assez révélatrice. Révélatrice dans le sens où il y a tellement de personnes qui font face à des situations similaires avec leurs parents ou un membre de leur famille. Incroyable dans le sens où bon nombre de ces personnes en parlent pour la première fois. Décrire mon expérience avec ma mère m’a ouvert des vannes proverbiales. La tristesse, l’anxiété et la solitude de bon nombre de mes collègues s’occupant d’un proche atteint d’une maladie cognitive étaient refoulées au plus profond d’eux-mêmes. Tous voulaient se tourner vers quelqu’un et me remercier d’être aussi ouverte… mais aussi me raconter leur histoire.

Affronter la stigmatisation à laquelle font face les aidants

Je compare la maladie d’Alzheimer à la santé mentale, et cela pour de nombreuses raisons. Les deux partagent par exemple la caractéristique d’une maladie qu’on ne peut pas vraiment ressentir ni toucher, comme c’est le cas pour une personne qui a la jambe ou le bras cassé. En tant qu’aidants, nous gardons le silence et souffrons sans nous tourner vers qui que ce soit. Personne n’entend nos voix, car on pense aux réactions des gens : « On dirait une bonne excuse pour prendre une journée de vacances! » ou « Est-ce si difficile que ça de s’occuper d’un parent souffrant? »

Seules les personnes ayant vécu cette expérience ou celles qui doivent vivre avec une autre ayant une forme ou l’autre de maladie cognitive savent ce que je veux dire.

Affronter la stigmatisation à laquelle font face les personnes atteintes d’une maladie cognitive

Au fil des ans, j’ai entendu de nombreux commentaires négatifs sur les personnes atteintes d’une maladie cognitive : « Elle fait semblant! »; « Tout ce qu’elle veut, c’est un peu d’attention »; ou, « Je lui ai dit il n’y a pas 5 minutes! »

Mais, la pire chose que j’ai entendue, c’est « C’est un dément ». Les mots que nous choisissons d’utiliser pour parler des maladies cognitives sont aussi dérangeants que ceux que l’on utilise pour décrire une personne atteinte d’une maladie mentale… « Il est fou » ou « Il est timbré ».

Certaines de ces remarques ont été faites par des étrangers, d’autres par des membres de la famille. Elles sont souvent dues à un manque de compréhension de la maladie et au fait que peu de personnes en parlent.

Au stade initial de la maladie d’Alzheimer, lorsque ma mère pouvait encore facilement parler et avait conscience de son environnement, elle disait certaines choses qui étaient perçues comme amusantes. Par exemple, elle ne terminait pas ses phrases, voyait des personnes qui n’existaient pas, cherchait ses mots ou semblait désorientée. Au départ, je rigolais avec les autres et ne disais rien, même si je ne me sentais pas vraiment à l’aise, voire embarrassée. Pour affronter la maladie, il faut savoir prendre les choses à la légère, n’est-ce pas?

Mais, est-ce si amusant pour la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer? Hé bien, non. Et, je n’ai pas peur de remettre en question les attitudes des gens; je leur dis qu’il faut faire attention à nos actions et à nos réactions, car la personne atteinte est encore un être humain animé de sentiments. Même au stade final de la maladie, elle peut encore percevoir les signaux verbaux et notre langage corporel. Et si elle peut nous entendre, mais ne trouve pas ses mots pour s’exprimer? Si vous avez l’impression que quelque chose ne se déroule pas normalement, faites quelque chose.

Faire preuve de compréhension commence avec chacun d’entre nous.

Puisque chacun d’entre nous pourrait, un jour ou l’autre, avoir à s’occuper d’un membre de sa famille atteint d’une maladie cognitive, il faut, en tant que société, mieux comprendre ces maladies, savoir en parler plus ouvertement et avoir accès aux services de soutien nécessaires. Nous devons aussi pouvoir aider les employés de soutien surmenés et souvent submergés qui prennent soin de nos mères et de nos pères.

La maladie est au stade final et ma mère a régressé au stade de l’enfance. Elle a souvent peur que son père la punisse si elle ne revient pas à l’heure à la maison. Je dois la rassurer et lui dire : « J’ai dit à ton père que tu étais avec moi et j’ai sa permission ». Lorsque je lui dis, elle est plus calme et ça se lit sur son visage.

Rien n’est pire que d’être le témoin de la détérioration de l’état d’une personne qui vous est chère. Une personne qui, dans vos souvenirs, était impressionnante. Une personne qui, hier encore, gérait toutes les situations malgré les différentes demandes. Une personne qui savait se prendre son courage à deux mains et affronter les hauts et les bas de la vie. Il faut sensibiliser le public et aider les familles à mieux comprendre les stéréotypes et la stigmatisation entourant la maladie d’Alzheimer.

Il faut aussi reconnaître que la maladie d’Alzheimer n’est pas une maladie de personne âgée, et que son début précoce n’est pas une invention de l’esprit. Elle est bel et bien réelle. J’ai rencontré des personnes dans la quarantaine et la cinquantaine atteintes d’une forme de maladie cognitive. Ces maladies peuvent frapper n’importe qui d’entre nous… sans crier gare.

Il faut continuer de dialoguer pour nous assurer que si et quand nous en aurons besoin, les aides seront là pour nous épauler émotionnellement, physiquement et mentalement.

Pour terminer

À ma manière, j’espère avoir contribué à continuer, ou au moins, à entamer la conversation. Au travail, je bavarde avec certaines personnes, avec mes amis, la famille des personnes qui résident dans le foyer de ma mère, et, bien sûr, les personnes qui y travaillent et s’y rendent.

Je suis aussi cadre au Hellenic Home Family Council. Notre rôle consiste à parler au nom des résidents à un plan systémique pour nous assurer qu’ils puissent vivre le reste de leur vie dans la dignité. Je sais maintenant que je ne suis pas seule. Vous n’êtes pas seuls non plus.

Il incombe à chacun d’entre nous d’être un pilier du soutien communautaire dont ces personnes ont besoin.

C’est ce qui convient de faire.

Rendez-vous à jevisaveclalzheimer.ca pour en apprendre plus sur la stigmatisation et lire d’autres histoires comme celle d’Irene.

Pour plus d’informations au sujet de la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies cognitives, rendez-vous sur le site Web de la Société Alzheimer du Canada.

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