« Notre diagnostic ne justifie pas le fait de nous placer en bas de la liste pour recevoir un traitement. »
Lorsque Mario Gregorio a reçu son diagnostic de trouble neurocognitif il y a 12 ans de cela, il était déterminé à continuer de vivre une vie bien remplie aussi longtemps que possible.
En tant que bénévole pour la Société Alzheimer du Canada, Mario, qui habite à Burnaby, en Colombie-Britannique, a sensibilisé des milliers de personnes aux troubles neurocognitifs et a contribué à rédiger la Charte canadienne des droits des personnes atteintes de maladies neurodégénératives en collaboration avec le groupe consultatif des personnes atteintes d’un trouble neurocognitif de la Société Alzheimer.
Aussi, lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé et que les nouvelles en provenance d’Italie rapportaient que les médecins devaient choisir entre qui avait droit à un lit en unité de soins intensifs (USI) et qui n’y avait pas droit, il a commencé à s’inquiéter.
« Les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif sont groupées avec les personnes âgées dans les établissements de soins de longue durée, déclare-t-il. Alors, votre place est en bas de la liste. »
Mario vit de manière autonome, comme tant d’autres personnes qui préservent une bonne qualité de vie pendant des années après avoir reçu un diagnostic de trouble neurocognitif. Mais il savait qu’en cas de pandémie et de contingentement des rares ressources, les médecins pourraient ne pas prendre ce facteur en considération, et même ne pas prendre en compte les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif pour les soins intensifs.
« Je me suis dit, “on ferait mieux de commencer à y penser et en parler, car on ne veut pas que ça se produise” », poursuit-il.
Sans surprise, la Société Alzheimer du Canada a eu la même idée. Pour aider la communauté médicale à répondre aux questions sur comment traiter les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif, elle a constitué le groupe de travail sur les troubles neurocognitifs et la COVID-19 : une équipe composée de cliniciens, de chercheurs de premier plan et de spécialistes des troubles neurocognitifs venant de partout au Canada. Ses objectifs:
- défendre l’amélioration des soins pour les Canadiens atteints d’un trouble neurocognitif;
- atténuer la stigmatisation et la discrimination à leur encontre.
Ce groupe de travail se décompose en équipes qui abordent un certain nombre de thèmes, notamment celui de l’allocation des rares ressources en cas de pandémie. L’objectif consistait à aider les professionnels médicaux à prendre des décisions pendant une crise et de s’assurer de traiter les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif avec respect et équité.
« Avec la propagation rapide de la COVID-19, les médecins et les administrateurs d’hôpitaux avaient besoin d’aide concernant la planification d’urgence, explique le Dr Eric Smith, professeur de neurologie à l’Université de Calgary et au Hotchkiss Brain Institute, qui présidait l’équipe se penchant sur la question de l’allocation des ressources.
Nous avons bien réfléchi à comment nous pourrions évaluer une personne atteinte d’un trouble neurocognitif et les personnes ayant d’autres problèmes de santé, poursuit-il. Et cela afin de décider qui pourrait recevoir des soins intensifs, y compris une ventilation mécanique, et qui pourraient ne pas recevoir ce type de soins. »
Le groupe de travail a rédigé un ensemble de directives à l’attention des médecins. Elles se classent en 3 catégories :
1. Traiter chaque personne atteinte d’un trouble neurocognitif comme une personne, sans faire de supposition concernant ses capacités ou sa qualité de vie.
Autrement dit, reconnaître que de nombreuses personnes atteintes d’un trouble neurocognitif ont une bonne qualité de vie et ne devraient pas être mises de côté seulement en raison de leur diagnostic.
Les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif disposent d’un « large éventail de capacités différentes, explique le Dr Smith. Les professionnels de la santé ne doivent pas imaginer que le simple fait d’être atteint d’un trouble neurocognitif signifie que la personne est très handicapée ou souffre d’une mauvaise qualité de vie. »
2. Traiter chaque personne atteinte d’un trouble neurocognitif avec respect; être honnête avec elle et lui offrir les meilleurs soins en votre pouvoir.
« En d’autres termes, explique le Dr Smith, si une personne atteinte d’un trouble neurocognitif nécessite des soins, mais n’est pas en mesure de les recevoir parce que le système de soins est surmené, elle mérite une explication honnête; elle mérite en outre les meilleurs soins alternatifs, qui peuvent être des soins palliatifs. »
3. Encourager les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif à informer leurs médecins et proches aidants du genre d’intervention qu’elles souhaiteraient si elles tombaient gravement malades : si elles souhaitent ou non être réanimées, être mise sous assistance respiratoire, etc.
« Il est important de bien penser aux directives médicales avancées et aux souhaits de la personne avant qu’elle ne tombe gravement maladie, explique le Dr Smith, pour que soient connus ses souhaits. »
Mario fait aussi partie du groupe de travail sur les troubles neurocognitifs et la COVID-19. Il explique qu’il est critique que les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif prennent la parole en leur propre nom.
« Nous voulons nous assurer que les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif ne soient pas mises de côté, explique-t-il. La plupart des articles que j’ai lus dans les médias supposent qu’elles seront exclues des soins médicaux. Ça ne devrait pas se produire. Nous avons les mêmes droits que tout autre citoyen au Canada. Notre diagnostic ne justifie pas le fait de nous placer en bas de la liste pour recevoir un traitement. »
Découvrez-en plus au sujet du groupe de travail sur les troubles neurocognitifs et la COVID-19 et sur ses recommandations.